de Rétablissement du statut de résident temporaire : une interprétation juridique à revoir

La procédure de rétablissement du statut de résident temporaire au Canada soulève des interrogations juridiques importantes. En effet, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) admet que le statut de résident temporaire diffère de l’autorisation de travailler ou d’étudier (permis de travail ou d’études). Cette distinction est juridiquement fondée.

Néanmoins, selon les directives publiées sur le site Internet d’IRCC, « un étranger peut seulement demander le rétablissement de son statut et de l’autorisation qu’il détenait immédiatement avant la perte de statut ». Ainsi, si un travailleur perd son statut de résident temporaire, il ne peut donc pas demander le rétablissement de son statut dans une nouvelle catégorie de résidents temporaires, par exemple la catégorie des visiteurs ou des étudiants. Il doit d’abord et avant tout demander le rétablissement de son statut de résident temporaire dans la catégorie de résidents temporaires originelle, soit celle des travailleurs. De plus, il est tenu de demander également le rétablissement de l’autorisation (permis de travail) qu’il détenait auparavant. Le même principe s’applique à l’étudiant, titulaire d’une autorisation d’étudier (permis d’études).

Cette exigence peut sembler logique lorsqu’un travailleur souhaite continuer à occuper un emploi ou lorsqu’un étudiant souhaite poursuivre ses études. Toutefois, elle devient problématique dans les cas suivants :

  • Un travailleur n’est plus admissible à un permis de travail ou ne souhaite plus travailler ;
  • Un étudiant a terminé ou abandonné son programme d’études et ne souhaite pas poursuivre d’études ;
  • L’étranger souhaite changer de qualité, par exemple, en passant de la qualité d’étudiant à celle de travailleur ou visiteur, et inversement.

Lorsqu’un travailleur ou étudiant perd son statut de résident temporaire, peu importe la cause, il perd également son autorisation de séjourner à titre de résident temporaire au Canada. De même, il perd son autorisation de travailler ou d’étudier (permis de travail ou d’études), si celle-ci cesse d’être valide, ainsi que sa qualité de travailleur ou d’étudiant [art. 22(1), 29 et 47 LIPR ; 181, 183-185, 194 et 120 RIPR]. Cela étant dit, la loi sur l’immigration et son règlement d’application ne traitent implicitement que de la perte du statut de résident temporaire et de son rétablissement. Le statut de résident temporaire, les autorisations (séjour, travail ou études) et les qualités (visiteur, travailleur ou étudiant) peuvent-ils être rétablis distinctement ou ensemble ?

Analyse juridique

Droit au rétablissement du statut de résident temporaire

Le paragraphe 182(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) dispose ce qui suit :

« Sur demande faite par le visiteur, le travailleur ou l’étudiant dans les quatre-vingt-dix jours suivant la perte de son statut de résident temporaire parce qu’il ne s’est pas conformé à l’une des conditions prévues à l’alinéa 185a), aux sous-alinéas 185b)(i) à (iii) ou à l’alinéa 185c), l’agent rétablit ce statut si, à l’issue d’un contrôle, il est établi que l’intéressé satisfait aux exigences initiales de sa période de séjour, qu’il s’est conformé à toute autre condition imposée à cette occasion et qu’il ne fait pas l’objet d’une déclaration visée au paragraphe 22.1(1) de la Loi. »

Si un visiteur, un travailleur ou un étudiant a perdu son statut de résident temporaire, il peut demander le rétablissement de ce statut. Cette disposition vise le rétablissement du statut de résident temporaire. Elle ne traite pas explicitement du rétablissement des autorisations, telles que l’autorisation de séjour, le permis d’études ou le permis de travail. Cet article ne traite pas non plus, de manière explicite, du rétablissement des qualités de visiteur, de travailleur ou d’étudiant [voir art. 209, 222c), 191, 194 et 210 RIPR].

Conditions d’admissibilité au rétablissement du statut de résident temporaire

Outre le droit du visiteur, du travailleur ou de l’étudiant de demander le rétablissement de son statut, l’article 182 du RIPR prévoit que l’agent rétablit ce statut à des conditions précises. En particulier, le demandeur doit « satisfaire aux exigences initiales de sa période de séjour ». En d’autres termes, il doit satisfaire aux exigences de la catégorie de résidents temporaires dans le cadre de laquelle il a initialement présenté sa demande (p. ex., autorisation de voyage électronique, visa de résident temporaire, permis de travail ou permis d’études). C’est probablement de cette disposition que découle l’exigence administrative d’IRCC. Selon celle-ci, on doit présenter, avec la demande de rétablissement du statut de résident temporaire, une demande de permis correspondant au permis détenu avant la perte de statut.

Dans l’affaire Abubacker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1112, la Cour fédérale a, certes, interprété les « exigences initiales » comme étant celles de la catégorie de résidents temporaires d’origine. Mais, elle a aussi reconnu que le demandeur devait plutôt satisfaire aux exigences de la nouvelle catégorie de résidents temporaires dans laquelle il a présenté sa demande jointe à celle de rétablissement du statut. En l’espèce, il s’agissait d’une demande de permis de travail postdiplôme dans la catégorie des travailleurs.

Bien que le texte réglementaire fasse référence aux exigences applicables à la catégorie initiale de résident temporaire, la jurisprudence confirme qu’il est possible de considérer les exigences propres à la nouvelle catégorie dans laquelle s’inscrit la demande jointe à celle de rétablissement du statut, lorsque les exigences de la catégorie initiale ne sont plus pertinentes. Cette interprétation jurisprudentielle est conforme au bon sens.

Ainsi, le rétablissement du statut de résident temporaire peut avoir lieu dans le cadre d’une transition vers une nouvelle et autre catégorie de résidents temporaires (visiteur, travailleur ou étudiant), pour autant que les exigences propres à cette nouvelle catégorie soient satisfaites.

Effets du rétablissement du statut de résident temporaire

Comme son nom l’indique, la demande de rétablissement du statut de résident temporaire vise à remettre le visiteur, le travailleur ou l’étudiant dans son état antérieur. Autrement dit, elle a pour effet de lui redonner son statut de résident temporaire.

La question qui se pose est de savoir à quel moment l’étranger redevient résident temporaire : est-ce à la date de la perte du statut ou à celle de la décision favorable sur sa demande de rétablissement ?

Dans la décision Hernandez Lingan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 706, la Cour fédérale a précisé que le rétablissement du statut est une mesure à effet immédiat et prospectif, c’est-à-dire sans rétroactivité. Il prend effet à partir de la décision favorable et ne couvre pas la période pendant laquelle le statut était perdu (le passé). Cela signifie que le visiteur, le travailleur ou l’étudiant redevient résident temporaire à la date de la décision favorable sur sa demande de rétablissement et pour l’avenir. Autrement dit, le rétablissement du statut de résident temporaire n’efface pas le fait que la personne a manqué à son obligation de quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, ni qu’elle a été sans statut pendant une certaine période.

Distinction entre statut, autorisation et qualité

En règle générale, le statut de résident temporaire s’acquiert sur demande présentée à un point d’entrée en vertu de l’alinéa 20(1)b) de la LIPR [voir aussi art. 22(1), 24(1) et 46(1.1) LIPR]. Ce statut se définit comme étant la reconnaissance de l’État que l’étranger qui a demandé à entrer au Canada ou à y séjourner a satisfait aux exigences légales préalables (p. ex., visa).

Le statut de résident temporaire donne droit à une autorisation d’entrer au Canada ou d’y séjourner en qualité de visiteur, de travailleur, d’étudiant ou de titulaire d’un permis de séjour temporaire [art. 29(1) LIPR]. Cette autorisation est assortie d’une période de séjour autorisée et d’une obligation y relative : quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée [art. 29(2)(3) LIPR ;183 RIPR]. L’expiration de cette période de séjour autorisée entraîne la perte du statut de résident temporaire, sauf demande de prolongation avant cette expiration [art. 47a) LIPR; 181 RIPR].

Les qualités de visiteur, de travailleur et d’étudiant dépendent de la catégorie de résidents temporaires dans le cadre de laquelle la demande d’entrée ou de séjour a été présentée (art. 32a) LIPR). Il existe trois catégories de résidents temporaires établies dans le LIPR : la catégorie des visiteurs (art. 191 et suiv. RIPR), la catégorie des travailleurs (art. 194 et suiv. RIPR) et la catégorie des étudiants (art. 210 et suiv. RIPR). Bien que les exigences diffèrent selon la catégorie, le visiteur, le travailleur ou l’étudiant partagent le même statut juridique : celui de résident temporaire. Ils ont, de ce fait, la même autorisation : autorisation d’entrer au Canada ou d’y séjourner à titre de résident temporaire.

En résumé, le statut de résident temporaire confère à son titulaire l’autorisation de séjourner à titre de résident temporaire, que ce soit en qualité de visiteur, de travailleur ou d’étudiant. Or, le rétablissement du statut de résident temporaire, lorsque la demande en est acceptée, redonne ce statut au visiteur, au travailleur ou à l’étudiant qui l’a perdu. Par conséquent, l’acceptation d’une demande de rétablissement du statut de résident temporaire implique le rétablissement de l’autorisation de séjourner à titre de résident temporaire.

Dans le cas d’un visiteur, le rétablissement du statut de résident temporaire a également pour conséquence le rétablissement de cette qualité. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un travailleur ou étudiant, le rétablissement du statut de résident temporaire n’a pas pour effet de rétablir cette qualité ni l’autorisation de travailler ou d’étudier (permis de travail ou d’études). Le demandeur doit alors joindre à sa demande de rétablissement du statut de résident temporaire une demande de permis de travail ou d’études, selon le cas, afin d’obtenir une nouvelle autorisation. En l’absence de cela, il serait possible de rétablir son statut de résident temporaire en lui accordant une nouvelle qualité, celle de visiteur, comme si c’était une demande de prolongation de son autorisation de séjourner à titre de résident temporaire en tant que visiteur [changement de catégorie] (art. 181 du RIPR).

Cette distinction permet de conclure que l’autorisation de séjourner à titre de résident temporaire et, dans le cas du visiteur, cette qualité sont automatiquement rétablies, lorsque le statut de résident temporaire l’est. Par contre, les qualités de travailleur ou d’étudiant, ainsi que l’autorisation de travailler ou d’étudier y relative, ne sont rétablies que si le travailleur ou l’étudiant présente une nouvelle demande pour cette autorisation. C’est pourquoi, par exemple, un étudiant ayant perdu son statut et ayant terminé son programme d’études ne devrait pas être tenu de demander un nouveau permis d’études avec sa demande de rétablissement.

Confusion terminologique dans les formulaires d’IRCC

Les formulaires d’IRCC entretiennent une confusion entre statut et qualité. Par exemple, le formulaire IMM 5709 contient une case à cocher intitulée : « Rétablir mon statut d’étudiant ». Cette formulation peut induire en erreur, en laissant croire que la qualité d’étudiant constitue un statut au sens de la LIPR ou du RIPR.

Irréalisme de l’exigence pour demander la même autorisation

Une question fondamentale se pose dans le processus de rétablissement du statut de résident temporaire : pourquoi un étudiant ayant terminé ses études, sans intention de poursuivre, devrait-il présenter une nouvelle demande de permis d’études ? Cette exigence semble irréaliste, surtout quand on sait qu’elle implique une lettre d’admission ou d’inscription, en plus, au Québec, d’un certificat d’acceptation du Québec (CAQ).

Possibilité de changement de qualité avant la perte du statut

Un étudiant peut changer de qualité avant la perte de son statut, par exemple, passer à la qualité de travailleur ou visiteur, et inversement. Il est donc logique de considérer qu’il pourrait également présenter une telle demande dans le cadre d’une demande de rétablissement du statut de résident temporaire, à la lumière de l’affaire Abubacker c. Canada.

Somme toute, un étudiant ou un travailleur ayant perdu son statut de résident temporaire devrait pouvoir envisager deux options :

  • Demander le rétablissement de son statut dans la catégorie des visiteurs ;
  • Demander le rétablissement de son statut et un permis de travail ou d’études, s’il y est admissible, dans la catégorie des travailleurs ou des étudiants.

Cette approche respecte la distinction entre statut, autorisation et qualité, tout en tenant compte de la jurisprudence et du cadre réglementaire applicable.

Conclusion

IRCC exige actuellement que les travailleurs ou étudiants présentent une demande de permis de travail ou d’études dans le cadre du processus de rétablissement du statut de résident temporaire. Cela s’applique même en l’absence d’intention de continuer à travailler ou de poursuivre des études. Cette pratique repose sur une interprétation restrictive et discutable du cadre juridique.

L’autorisation de séjourner à titre de résident temporaire constitue un droit inhérent au statut de résident temporaire. Ainsi, le rétablissement de ce statut entraîne la naissance d’une nouvelle autorisation de séjourner. Il en va autrement de l’autorisation de travailler ou d’étudier, qui ne découle pas du statut de résident temporaire. L’obtention d’une nouvelle autorisation de travailler ou d’étudier (permis) exige une demande à ce sujet jointe à celle de rétablissement du statut, selon le besoin. Ausi les qualités d’un étranger en tant que travailleur ou étudiant dépendent-elles de son autorisation spécifique de travailler ou d’étudier, et non pas de son statut de résident temporaire lui-même. Ce statut peut exister indépendamment de toute autorisation de travail ou d’études (permis), par exemple le cas des visiteurs.

Une lecture rigoureuse de la LIPR, du RIPR et de la jurisprudence suggère que le rétablissement du statut de résident temporaire devrait permettre un changement de qualité (visiteur, travailleur ou étudiant) sans obligation de revenir à la catégorie originelle, pour autant que les exigences de la nouvelle catégorie soient respectées. Une clarification réglementaire s’impose pour éviter les incohérences, garantir une application équitable des règles et mieux protéger les droits des demandeurs.

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