Introduction
La procédure de rétablissement du statut de résident temporaire au Canada soulève des interrogations juridiques importantes. Par exemple, lorsqu’un étudiant étranger ayant terminé son programme d’études souhaite demeurer au pays sans poursuivre d’autres études, soit après la perte de son statut du résident temporaire. Il en va de même pour un travailleur qui n’est plus admissible à un permis de travail ouvert ou fermé dans la même circonstance.
Selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), « un étranger peut seulement demander le rétablissement de son statut et de l’autorisation qu’il détenait immédiatement avant la perte de statut ». Il ne fait aucun doute que cette exigence se justifie lorsqu’un étudiant souhaite poursuivre ses études ou un travailleur, son travail.
Mais qu’en est-il d’un étudiant qui a terminé son programme d’études ou l’a abandonné et ne souhaite pas poursuivre des études ? Cette question se pose également pour un travailleur qui n’est plus admissible à un permis de travail ouvert ou fermé, ou qui a décidé de cesser de travailler. Peut-on lui imposer la présentation d’une demande de permis d’études ou de travail, même lorsque cette autorisation n’est plus pertinente ? Si tel est le cas, cette exigence mérite d’être remise en question à la lumière du cadre légal et de la jurisprudence.
Analyse
Selon l’article 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR), le visiteur, le travailleur ou l’étudiant qui a perdu son statut de résident temporaire peut demander le rétablissement de ce statut. Aux termes de cet article, le rétablissement ne vise que la perte du statut de résident temporaire du visiteur, du travailleur ou de l’étudiant. Il ne concerne pas la perte de l’autorisation de séjourner à titre de résident temporaire, celle du permis d’études ou de travail (autorisation d’étudier ou de travailler). Il ne porte pas non sur la perte de la qualité de visiteur, de travailleur ou d’étudiant. Autrement dit, aucune disposition du RIPR ou de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) ne traite du rétablissement de l’autorisation de séjourner à titre de résident temporaire, du permis d’études ou de travail expiré (invalide) [voir art. 209 et 222c) RIPR]. Aucune ne traite non plus du rétablissement de la qualité de visiteur, de travailleur ou d’étudiant (art. 191, 194 et 210 RIPR).
IRCC reconnaît que l’autorisation de travailler ou d’étudier, c’est-à-dire le permis de travail ou d’études, est distincte du statut de résident temporaire. Par conséquent, il devrait être possible de présenter une demande de rétablissement du statut de résident temporaire sans devoir demander en même temps une nouvelle autorisation (p. ex., permis de travail ou d’études) qui n’est plus nécessaire.
Les qualités de visiteur, de travailleur ou d’étudiant sont également distinctes du statut de résident temporaire. Elles correspondent chacune à une catégorie de résidents temporaires : la catégorie des visiteurs, la catégorie des travailleurs et la catégorie des étudiants (voir art. 22(1), 32a) LIPR ; 191, 194 et 210 RIPR). Tous partagent le même statut juridique : résident temporaire.
Cependant, les formulaires d’IRCC entretiennent une confusion terminologique. Par exemple, le formulaire IMM 5709 contient une case à cocher intitulée : « Rétablir mon statut d’étudiant ». Cette formulation peut induire en erreur, en laissant croire que la qualité d’étudiant constitue un statut au sens de la LIPR ou du RIPR.
Une question fondamentale se pose : pourquoi un étudiant se trouvant en situation de perte de statut et ayant terminé ses études, sans intention de poursuivre, devrait-il présenter une nouvelle demande de permis d’études ? Cette exigence paraît incohérente, surtout lorsqu’elle implique une lettre d’admission ou d’inscription et, au Québec, un Certificat d’acceptation du Québec (CAQ).
Outre le droit du visiteur, du travailleur ou de l’étudiant de demander le rétablissement de son statut, l’article 182 du RIPR dispose également que l’agent rétablit ce statut à des conditions. En particulier, le visiteur, le travailleur ou l’étudiant doit « satisfaire aux exigences initiales de sa période de séjour ». L’affaire Abubacker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1112 concernait une demande de contrôle judiciaire portant sur la décision de refus d’une demande de rétablissement du statut de résident temporaire. Une demande de permis de travail postdiplôme (PTPD) était jointe. La Cour fédérale a interprété les exigences initiales comme étant celles de la catégorie de résidents temporaires d’origine, qui peut être la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants. Toutefois, elle a aussi reconnu que le demandeur devait satisfaire aux exigences de la nouvelle catégorie visée par sa demande jointe à la demande de rétablissement, et non aux exigences de la catégorie des étudiants initialement concernée. En l’espèce, ce fut la catégorie des travailleurs, car la demande jointe était une demande de PTPD.
Dans la décision Hernandez Lingan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 706, la demanderesse, une travailleuse étrangère, a demandé un contrôle judiciaire contre une mesure de renvoi (exclusion) prise contre elle. Elle résultait d’une interdiction de territoire pour manquement à la loi, soit pour avoir travaillé pour un autre employeur sans autorisation. Elle avait déposé une demande de rétablissement de son statut de résident temporaire avant que le rapport d’interdiction de territoire ne soit établi. Devant la Cour fédérale, elle a soutenu que l’article 182 du RIPR aurait un effet rétroactif et remédié à son manquement à la loi. La Cour a rejeté cette interprétation et a précisé que le rétablissement du statut est une mesure prospective : il prend effet à partir de la décision favorable et ne couvre pas rétroactivement la période de perte de statut. Autrement dit, le rétablissement du statut se tourne vers l’avenir.
Cette décision renforce l’idée qu’il est difficile de justifier l’obligation de présenter une demande de permis d’études ou de travail pour une personne qui n’est plus en mesure d’étudier ou de travailler à l’avenir. Le rétablissement vise uniquement le statut de résident temporaire, et non la régularisation rétroactive d’un manquement ou la réactivation d’un permis expiré.
Cela dit, un étudiant ou un travailleur peut changer de qualité avant la perte de son statut de résident temporaire, par exemple, passer d’étudiant ou de travailleur à visiteur. Il est donc logique de considérer qu’il peut également le faire dans le cadre d’une demande de rétablissement du statut de résident temporaire.
Somme toute, un étudiant ou un travailleur ayant perdu son statut de résident temporaire devrait donc pouvoir envisager deux options :
- Demander le rétablissement de son statut et la prolongation de son autorisation de séjourner à titre de résident temporaire dans la catégorie des visiteurs (nouvelle qualité);
- Demander le rétablissement de son statut et un permis de travail ou permis d’études (ouvert ou fermé), s’il y est admissible, dans la catégorie des travailleurs ou des étudiants.
Conclusion
IRCC exige la présentation d’une demande de permis d’études ou de travail dans le cadre du processus de rétablissement du statut de résident temporaire. Cela s’applique aux travailleurs et aux étudiants, même en l’absence d’intention de poursuivre des études ou de continuer à travailler. Cette pratique repose sur une interprétation discutable du cadre juridique.
Une lecture rigoureuse du RIPR et de la jurisprudence suggère que le rétablissement du statut devrait permettre un changement de qualité, tant que les exigences de la nouvelle catégorie sont respectées. Une clarification réglementaire serait souhaitable pour éviter les incohérences et mieux protéger les droits des demandeurs.


